La curiosité, qui n’est pas un vilain défaut, n’est pas vraiment une de mes qualités mais heureusement je suis entourée de plein de personnes qui la possèdent et savent éveiller chez moi l’envie de comprendre qui, elle, me caractérise mieux. Un collègue est venu me trouver pour me demander d’où venait la lettre « l’ » que l’on place parfois devant le pronom « on ». Interrogation passionnante qui m’a conduite à creuser un peu l’histoire de ce pronom qui mérite toute notre attention.
Le petit « on » voit le jour au IXème siècle mais personne n’est réellement d’accord sur son orthographe : avec ou sans « h », avec un « n » ou un « m » final, délicat de trancher… Je n’apprécie pas particulièrement les orthographes fantaisistes (et suis bien contente que mon prénom n’ait pas été affublé d’un « h » inutile ou d’un « y » pompeux) mais il faut admettre ici que ces positions se justifient : « on » vient du nom commun latin « homo, hominis » qui signifie l’homme. Quoi qu’il en soit, à partir du XIIème siècle, les querelles sont terminées : ce sera « on » et puis c’est tout.
Pas exactement à vrai dire, puisqu’il existe un emploi qui conserve une trace de cette origine. En tant qu’ancien substantif, notre gentil pronom a été utilisé avec le déterminant « le » et c’est pourquoi l’on trouve encore aujourd’hui la forme « l’on ». Ce maintien ne s’explique que pour des raisons phonétiques afin d’éviter de prononcer deux voyelles distinctes de suite (voir deux lignes plus haut) ou le très moche son formé par « qu’on » (voir le 1er paragraphe).
En grandissant, le pronom personnel « on » est devenu très généreux du point de vue de sa signification parce qu’il permet vraiment d’exprimer plein de choses :
-un groupe humain en général : En Bretagne, on mange des crêpes et on boit du cidre.
– un individu non identifié : On a mangé ma crêpe pendant que j’allais chercher du cidre !
– un groupe dans le lequel le locuteur s’inclut (à la place de « nous ») : A la maison, on adore les crêpes et le cidre !
– et même un individu identifié dans certains cas : Quoi, vous n’avez pas envie d’une troisième petite crêpe ? Oh, on fait son blasé mais avec un verre de cidre ça passera tout seul !
Bon, j’ai faim mais je continue la bio de « on ». Pourtant, ça devient moins sympa quand on creuse du côté des emplois grammaticaux. Etymologiquement, il s’agit d’un masculin singulier et les accords sont donc inexistants. Pourtant, il y a eu des hésitations et il en demeure.
– l’accord au pluriel du verbe s’est fait en Ancien Français mais n’a pas perduré. Quand est-ce qu’on mangent plein de crêpes avec du cidre ?
– l’accord des participes et adjectifs attributs est discutable. On est venu(e-s) pour manger des crêpes car on en est dingue(s) ! A priori, l’accord ne devrait pas être fait mais on dit bien : « On est des amoureux des crêpes ! » et non : « On est un amoureux des crêpes ! »
Sur ce, on va déjeuner. Après tant d’intérêt pour ce petit pronom, je m’octroie un « on » de majesté, je trouve ça très chic !